AXE 2 : Espaces et circulations dans les sociétés coloniales et postcoloniales.

La connaissance de la Caraïbe se veut transversale et transpériodique. Cet axe s’intéresse plus particulièrement aux déplacements et à ceux qui les font, avec un focus notamment sur comment ces hommes et ces femmes habitent les villes antillaises. 

La thématique des migrations et des mobilités dans le Bassin caraïbe, et en particulier dans la Caraïbe insulaire, est une question historique et géographique majeure dans cet espace morcelé et disparate sur les plans spatial, géopolitique, économique et culturel. Les déplacements de personnes et de biens donnent lieu à des mobilités multiples, anciennes et contemporaines, qui peuvent s’analyser à plusieurs échelles. Les échelles temporelles permettent de distinguer, d’une part, les mobilités exceptionnelles (migrations) pouvant se mesurer sur la longue durée et, d’autre part, les déplacements temporaires effectués sur des distances et des durées plus ou moins longues (mobilités touristiques, mobilités pendulaires, etc.). Dans un contexte d’augmentation et d’accélération des échanges, les échelles d’espace rendent compte notamment du marquage territorial de ces phénomènes, tant au niveau international, régional que local. À l’échelle des villes par exemple, les mobilités sont au cœur des politiques d’aménagement et doivent faire face à des enjeux environnementaux et sociaux de plus en plus sensibles. Si les migrations vers les anciennes métropoles coloniales sont bien étudiées, celles à l’intérieur de la Caraïbe (migrations et circulations) sont encore à analyser. Une orientation novatrice qui contribue à enrichir les recherches actuelles des membres de l’UR 6-1 est celle par exemple de la coupe et la récolte de la canne à sucre. Cette période de l’année a généré et continue de générer des migrations et/ou circulations de travailleurs et de travailleuses. Le constat, en outre, d’une « désocialisation de l’histoire »[1] amène à (re)penser les dynamiques des espaces vécus. Qui sont les personnes qui partent ? Qui sont les personnes qui arrivent ? Une attention particulière sera portée ici sur l'histoire et la géographie des villes des Antilles françaises (longtemps mise de côté au profit de la plantation/habitation) avec leurs habitants sur une période plus contemporaine (notamment de l'abolition de l'esclavage jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale). Cela entend renouveler l’historiographie, en embrassant notamment les champs disciplinaires de la statistique, de la cartographie, l'étude des représentations culturelles et matérielles de différents groupes sociaux.

Au-delà de l'étude des circulations et des flux et générés par les modes de transports terrestres, maritimes et aériens dans à l’échelle de la Caraïbe, l’approche par les mobilités permet donc de s’intéresser aux pratiques individuelles et collectives, ainsi qu’aux politiques des acteurs en tenant compte de leurs dimensions sociales, politiques, représentationnelles, environnementales, etc. Cela constitue un élargissement thématique et un renouvellement conceptuel de travaux sur les réseaux de transport déjà engagés au sein de l’UR 6-1, en questionnant plus généralement la territorialité dans son ensemble.

À l’heure où la mondialisation, la pandémie actuelle de Covid-19 et le changement global ont d’importantes répercussions sur la structure des transports, au niveau mondial et dans la Caraïbe en particulier, mais aussi sur les économies et sociétés des États et territoires (notamment sur le tourisme de séjour et de croisière), les travaux sur les mobilités sont au cœur de l’actualité. Ils apportent des éclairages scientifiques pour analyser cette situation sous l’angle des dynamiques spatiales et temporelles, par une approche transversale et comparative des territoires. La réflexion apporte ainsi sa contribution à une meilleure connaissance des potentialités des territoires, au service des populations, des aménageurs, des acteurs institutionnels et professionnels. 

En matière de mobilités touristiques par exemple, parmi les orientations retenues, il s’agira de de s’intéresser aux territorialités du tourisme insulaire, en questionnant le rôle du patrimoine pour repenser l’ancrage stratégique de cette activité économique. Le patrimoine, sous toutes ses formes, évoque l’héritage. Il s’inscrit indéniablement dans le champ de la transmission. Qu’il soit matériel ou immatériel, le patrimoine est le produit d’une histoire, d’un groupe social et d’un territoire. Il a une dimension collective et n’a de sens que parce qu’il est un bien collectif dont la conservation relève de l’intérêt général. Paradoxalement, l’émotion patrimoniale hisse le bien culturel ou environnemental au rang de ressource pour le développement. En effet, le patrimoine culturel immatériel, initiée par les populations locales elles-mêmes, est convoqué dans la réflexion sur la pérennisation du tourisme insulaire. Le patrimoine est, a priori, un élément limitant le développement. Le développement économique est alors perçu comme pouvant dénaturer les cultures. Or, force est de constater que le patrimoine, dans son essence social et environnemental, se fait ressource pour le développement. L’ancrage touristique s’appuie de plus en plus sur le patrimoine endogène, moteur du développement de niches économiques qu’il convient de maîtriser et d’accompagner. Cette dynamique contribue aussi largement à orienter les flux touristiques dans la Caraïbe, le traditionnel tourisme balnéaire ne suffisant plus à faire l’attraction d’une destination.

 

[1] Frank Noulin et Jean-François Wagniart, « La place de l’histoire sociale : de la recherche à l’enseignement », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 122 | 2014, 19-43.

 

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