Le mardi 26 mars 2024A 10 heures – Salle 7 - Faculté des Sciences juridiques et économiques – Campus de Fouillole GuadeloupeA 10 heures en HaïtiA 15 heures en France hexagonale Composition du juryMme DJELLAL Faridah, Professeure, CLERSE Université de Lille (Rapporteure);M. EMMANUEL Evens, Professeur, Université de Quisqueya, Haïti ;M. MAURIN Alain, Professeur, Université des Antilles ;M. REBERIOUX Antoine, Professeur, Université de Paris-Cité (Rapporteur);M. SAFFACHE Pascal, Professeur, Université des Antilles ;M. TEMPLE Ludovic, Chercheur HDR, CIRAD ;M. VERSAEVEL Bruno, Professeur, Ecole de Management de Lyon (Rapporteur).Résumé
L’objet de mes travaux consiste en l’application micro-économique de l’institutionnalisme dans l’analyse mais également la (co-)conception des stratégies de développement économique. Le développement économique est l'un des principaux défis de société qui s'impose à tous les pays moins avancés. Défini comme des changements structurels, sociaux, culturels et mentaux, il implique non seulement la mobilisation des différentes formes de capitaux mais également des comportements appropriés. Or ces derniers sont façonnés par des institutions dont la création relève de capacités d'innovations humaines et souvent collectives. Ainsi, l'efficacité des institutions est tributaire de la qualité de ces innovations, mais aussi de leur adoption et respect (conformance ou compliance) de la même façon que les innovations technologiques ne produisent d'effets que par leur diffusion. Puisque toute société est instituée, y compris celles des pays considérés comme institutionnellement faibles, il est important de bien comprendre les dynamiques institutionnelles afin de mieux accompagner le développement de ces mêmes sociétés. Comment l’intentionnalité des acteurs influence la qualité des institutions ? Dans quelles conditions les choix institutionnels des acteurs peuvent aboutir à une efficacité dans différents domaines d’application ? Comment mesurer l’efficacité des institutions à l’échelle des acteurs ? Pourquoi des institutions élaborées collectivement ne sont pas respectées par les acteurs ou ne sont pas efficaces ? Ces questions sont au cœur de la problématique de mes recherches. C'est dans cette quête de compréhension du développement économique dans les pays en développement (PED) que s'inscrit ma démarche de recherche scientifique. Elle considère les institutions comme des variables endogènes et rompt avec les approches qui les analysent comme une boite noire. L’élaboration des institutions et la motivation à la base de cette élaboration sont étudiées au même titre que le respect de ces institutions. Pour y parvenir, je me suis positionné dans une interface disciplinaire. En effet, une approche mono-disciplinaire ne suffit pas pour saisir la complexité des changements institutionnels liés au développement. C'est pourquoi j'ai entrepris un parcours de formation comprenant les sciences de génie agronomique, les sciences du management et les sciences économiques. De plus, j'ai dû faire des emprunts aux sciences de la cognition ainsi qu’aux sciences comportementales comme la psychologie et la sociologie afin de compléter ma boite à outils en économie institutionnelle.Vouloir être un économiste du développement paraît assez socialement situé dans mon cas, puisque j’interviens dans le pays devenu le plus pauvre, en termes monétaires, du continent américain. Tout d’abord, j'ai fait le choix de me spécialiser en économie du développement, dès ma troisième année d'études universitaires à la Faculté d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) de l'Université d'État d'Haïti (UEH). Ma formation subséquente en France, avec séjour en Amérique latine, ne s'est jamais écartée des actions et stratégies de développement. Elle s'est enrichie des acquis de l'économie institutionnelle avant de déboucher sur une contribution importante à l’effort de théorisation du capital institutionnel.Ce parcours académique et scientifique a bénéficié d'un terrain fertile dans le contexte d'Haïti où ce genre recherches sur les institutions était, pourtant, du moins rare, sinon inexistant. Dans le même temps, la maturité de la branche institutionnelle de l'économie au début du présent millénaire (à la suite des travaux de nombreux économistes dont Douglass C North, Elinor Ostrom, Geoffrey M. Hodgson, etc.) a permis de repenser les contenus des débats et des politiques de développement économique. L'économiste du développement, Kenneth P. Jameson, a été l'un des premiers à affirmer que « l'institutionnalisme a gagné les débats sur le développement ». Cependant, il précise qu'il ne s'agit pas nécessairement de l'approche néoclassique préférée des organismes de Bretton Woods. Au contraire, ces derniers privilégient le marché comme institution par excellence, alors que les institutions sont partout y compris dans les interactions hors marché! �. Dans les espaces d'intermédiations non officielles, les dynamiques institutionnelles sont souvent plus vivaces que dans les domaines officiellement régulés. De plus, les institutions y sont généralement plus opératoires, car elles émanent de processus concertés entre acteurs. C'est dans cette perspective d'acteurs que se situe ma démarche d'analyse institutionnelle qui rejette la dualité formelle-informelle et valorise les institutions non-officielles ou non-écrites. J’ai commencé à mobiliser cette démarche d’analyse des stratégies de développement fondée sur la théorie institutionnelle du développement économique (TIDE) à partir de l’année 2004. Cette expérience a débuté dans la région Ixile, au Guatemala, où j’ai réalisé un stage d’évaluation socio-économique de projet. Par la suite, j’ai mobilisé cette démarche dans différents champs d'application comme la microfinance, l'entrepreneuriat, le tourisme, les innovations agricoles, etc. Ces champs d'application sont autant de stratégies de développement économique dans l'analyse desquelles j'ai appliqué la théorie du capital institutionnel. La théorie du capital institutionnel constitue la grille d’analyse proposée dans ma thèse de doctorat en sciences économiques. Je l’ai appliquée par la suite dans des travaux de recherche relevant à la fois des sciences managériales et agronomiques. Ces travaux empiriques ont utilisé la modélisation économétrique pour produire des connaissances basées sur des évidences. Ils risquent pour cela d'être peu généralisables. Néanmoins, ils permettent d’aboutir à des conclusions localement utiles et une démarche méthodologique pouvant être reprise dans d’autres PED, pour aboutir à des faits stylisés sur les rapports humains, sociaux et économiques aux institutions. D’ailleurs, la théorie du capital institutionnel commence à trouver un certain écho chez plusieurs autres chercheurs. Je compte poursuivre l’application de cette théorie dans le cadre du programme de recherche scientifique présenté dans ce mémoire d’Habilitation à Diriger des! Recherches (HDR).Mon programme de recherche porte sur trois dimensions complémentaires dans l’analyse des stratégies et des politiques de développement : l'intentionnalité des acteurs, les comportements des acteurs, les innovations. Sa mise en œuvre se fera sur au moins trois axes : les systèmes d’innovations agricoles, l’entrepreneuriat dans l'agriculture et la durabilité des systèmes alimentaires. Le programme se concentre sur l’agriculture comme secteur économique. Il est placé dans un contexte de tensions multiples (nécessité de croissance pour satisfaire des besoins grandissants, défi de modernisation pour satisfaire des besoins et des désirs de plus en plus exigeants, défi de durabilité face aux aléas environnementaux et climatiques, etc.). Dans de tels contextes, le chercheur n’a pas seulement un rôle d’observateur. Sa recherche doit contribuer à faire évoluer les dynamiques, pour cela elle doit accompagner les acteurs. Pour contribuer, par la recherche, à faire évoluer les systèmes alimentaires et réussir les stratégies de développement en PED, mon travail consistera en grande partie à coconcevoir et coconstruire des innovations avec les acteurs afin de les tester pour ensuite dégager des faits stylisés. Le problème abordé porte à la fois sur les perceptions, l’intentionnalité et les motivations des acteurs mais également sur leurs comportements par rapport aux institutions et aux innovations placées au cœur des stratégies et politiques de développement. Ce problème sera abordé tant en amont (conception et élaboration) qu’en aval (efficacité et impact) des dynamiques étudiées dans les trois axes de travail. Cette démarche constructiviste peut mieux sécuriser l’adoption des innovations par les acteurs et le respect des institutions qui doivent façonner les comportements appropriés. C’est pourquoi une attention particulière sera prêtée à l’élaboration et au respect des institutions jugées nécessaires par les acteurs pour coordonner leur système et exploiter les innovations. L’ensemble de ces travaux continuera d’associer la collecte ou l’acquisition de données et leur utilisation dans des modèles explicatifs.Mots-clés : Théorie du capital institutionnel, Stratégies de développement, Intentionnalité, Comportements d’acteurs, Pays en développement.